{Chronique} L'étrange cas de Juliette M

Londres, 1895.
Juliette Moreau n'est plus rien. Sa vie a basculé le jour où son père, le plus éminent chirurgien de Londres, a été accusé d'ignobles pratiques médicales. Est-il mort? En fuit? Nul ne le sait. Une chose est sûre : Juliette doit maintenant se débrouiller seule pour survivre. Et tenter de répondre à cette terrible question qui l'obsède : qui est vraiment son père? Un fou ou un génie?

- Edward, sortez-moi ce fichu bras de là! gronda-t-il.

- Je ne peux pas!

Son bras s'enfonça jusqu'à l'épaule et l'embarcation pencha dangereusement. Ses yeux teintés d'or se posèrent sur moi, insondables.

- Quelque chose m'a attrapé.

- Quoi? Soufflai-je, n'osant me pencher de peur de nous faire verser.

Edward serra les dents, comme pour repousser son angoisse.

- Une main.

J'ai reçu ce livre en 2015 pour mon anniversaire. A l'époque, mes grands-parents ont eu bien du mal à se le procurer puisque le tirage venait d'être épuisé et que le livre ne serait jamais réédité. Voilà qui refroidit un peu lorsqu'on commence le premier tome d'une nouvelle trilogie. Heureusement, lisant également en anglais, je me suis consolée en me disant que si le besoin s'en faisait sentir, je me procurerai la suite dans la langue de Shakespeare. Ayant très envie de faire une lecture commune avec la douce Alice, c'est ensemble que nous nous sommes lancées dans l'aventure.

 

L'histoire débute à Londres, en 1895. Depuis que sa mère est décédée, Juliette subvient difficilement à ses besoins. Elle découvre par hasard que son père chirurgien qu'elle croyait mort vit retiré sur une île déserte dans le but d'échapper au scandale lié à ses opérations controversées de vivisection. Juliette va prendre le premier bateau afin de retrouver cet homme qui l'a abandonné et de découvrir si il est vraiment le monstre que tout le monde croit.

 

Une fois commencé, difficile de reposer ce livre. J'ai en effet trouvé qu'il y avait une tension omniprésente qui se dégageait des pages et l'ambiance très sombre m'a semblé particulièrement accrocheuse.  Cette histoire recèle de mystères dont je me suis délecté et les nombreux rebondissements ont permis de rythmer le récit de la meilleure des façons. Megan Sheperd s'est inspirée du mythe de Frankenstein de Mary Shelley afin de bâtir son histoire mais elle a également su s'en détacher avec intelligence afin de créer quelque chose qui lui est propre.

 

Le personnage qui m'a le plus marqué c'est bien entendu le Docteur Moreau, le père de Juliette. Il m'a fait forte impression dès sa première apparition dans l'histoire. Le docteur Moreau n'est pas un enfant de coeur, loin de là et même si il éprouve un véritable amour pour sa fille, ce n'est pas un bon père car ses ambitions prennent le pas sur le fait de s'occuper correctement de son enfant. Cruel, froid, manipulateur il sème autour de lui la souffrance et le chaos. En comparaison, Juliette m'a paru légèrement insignifiante car dotée d'un tempérament docile et d'une constitution fragile.

Les deux autres personnages phares de cette histoire ce sont Montgomery, l'assistant du Docteur Moreau et l'ami d'enfance de Juliette et Prince, un mystérieux naufragé qui va très vite développer un certain penchant pour la jeune fille. Je ne vais pas vous faire de dessin, il y a un triangle amoureux dans cette histoire et j'ai mis du temps avant d'établir ma préférence. Prince est intrigant, il refuse de parler de son passé et des raisons qui l'ont poussé à la fuite et il possède un charme assez magnétique. Montgomery quant à lui est de condition modeste, il se distingue par sa gentillesse et sa placidité mais il prend également une part active dans les travaux de notre cher docteur ce qui montre une facette assez sombre de sa personnalité. J'ai bien apprécié ces deux jeunes hommes d'autant qu'il ont tous les deux su me surprendre.

En résumé, l'étrange cas de Juliette M rayonne d'une aura bien mystérieuse. Certaines choses sont évidentes et d'autres le sont beaucoup moins et même si j'ai moins accroché avec la seconde partie de l'histoire (l'effet de surprise étant passé), je ne peux que constater l'originalité de ce récit. Les personnages sont dérangeants à des degrés divers et variés et j'ai aimé me sentir vaguement mal à l'aise pendant ma lecture car c'est une impression que je ressens rarement en lisant. Toutefois, je pense m'arrêter à ce premier tome car je ne me sens pas suffisamment curieuse pour avoir envie de me plonger dans la suite.

 

 ★★★☆☆

 La chronique d'Alice: ici